Cornelia Wi : “J’aime particulièrement me plonger dans le jeu avec les couleurs”
La couleur, la lumière, l’anatomie et la perspective ; voici les thèmes de prédilection de Cornelia Wi, une artiste contemporaine et figurative suisse. Elle explique à travers cet entretien, son mode de travail et la façon dont elle observe et analyse le modèle qu’elle recrée ensuite.
Pouvez-vous décrire vos œuvres en quelques mots ?
Je fais principalement des représentations de personnes avec de la peinture à l’huile et un accent particulier sur l’individualité et les couleurs.
Vous travaillez autant à Zurich qu’à Barcelone, comment ces villes vous ont-elle influencée dans votre travail ?
Je fais des allers-retours entre les deux villes mais en ce moment je suis à Zurich. Barcelone m’a donné la possibilité d’étudier dans une académie classique car il en existe peu de ce type en Europe. À Barcelone, le soleil brille presque toujours et il fait agréablement chaud ; cela me permet notamment de travailler avec le modèle à la lumière du jour pendant une plus longue période. Les couleurs à la lumière du jour sont particulièrement riches. Par exemple, un type de peau clair peut reproduire tout le spectre des tons pastel à la lumière. Barcelone est une ville très animée, il y a tant de belles choses et on peut se faire distraire assez rapidement. J’ai grandi à Zurich et ici, je travaille de manière plus concentrée.
Qu’est-ce qui vous influence dans vos créations ?
La présence du modèle, sa personnalité, son humeur et ses souhaits m’influencent beaucoup. Parfois, c’est assez déroutant et cela m’empêche de me concentrer. J’aimerais exploiter encore plus cet aspect avec le temps.
Y a-t-il un artiste qui vous a beaucoup inspirée ? Si oui, lequel et comment ?
Il y a quelques années, j’ai pu visiter l’atelier du portraitiste Brendan Kelly. J’ai été impressionnée par la discipline dont il fait preuve, par la préparation minutieuse de ses peintures et par ses connaissances. Cela m’a rendu curieuse et m’a incitée à me lancer dans la peinture de portraits.
Vous avez participé à un programme au Barcelona Academy of Arts. Pensez-vous qu’un artiste puisse évoluer par lui-même, sans forcément avoir une formation académique ?
Oui, une formation universitaire n’est pas absolument nécessaire mais c’est un bon moyen d’apprendre les bases de la représentation visuelle. Lors de la formation, ma perception visuelle a été poussée à l’extrême. J’ai appris à regarder de beaucoup plus près à quoi ressemble vraiment le modèle et non pas comment je pense qu’il devrait être. Les professeurs de l’académie m’ont donné la motivation extérieure et chaque jour, mes tableaux étaient à nouveau discutés. Je trouve ici la citation de Goethe “Man erblickt nur, was man schon weiß und versteht”, c’est-à-dire “On ne voit que ce que l’on sait et comprend déjà”, très pertinente. Pour une représentation visuelle réaliste des personnes et de leur environnement, de nombreuses connaissances sont également nécessaires. La théorie de la lumière, ainsi que celles de l’anatomie et de la perspective doivent être maîtrisées. Il est important pour moi d’analyser le modèle et de ne pas me contenter de le copier.
Vos œuvres sont très différentes les unes des autres.Vous faites des œuvres expressives, même abstraites, et d’autres œuvres plus figuratives, comme les portraits. Lesquelles des deux préférez-vous travailler ?
J’aime particulièrement me plonger dans le jeu avec les couleurs. C’est un thème important dans la peinture expressive, abstraite et réaliste. Néanmoins, pour la reconnaissance de mes œuvres, ce serait bien de m’engager dans un sujet en particulier. Cela pourrait arriver dans quelques années.
Est-ce que vous avez entre vos œuvres figuratives et celles plus abstraites, un mode de pensée ou de travail différent ?
Quand je peins, je dois me plonger dans une concentration très particulière. D’une part, je me détends intérieurement et je me concentre uniquement sur l’image. Quand je suis debout, je déplace mon poids d’un pied à l’autre. D’autre part, j’analyse mes modèles en détail et je prends des décisions conscientes. Cette concentration peut parfois faire mal à l’intérieur et je fais donc de nombreuses pauses. Dans la peinture abstraite, je me consacre davantage à la méditation et je m’immerge dans les couleurs. Dans la peinture figurative, je dois travailler de manière beaucoup plus contrôlée et donc plus rester dans l’analytique.
Vous avez également fait une série sur les femmes Pin-Up. Comment vous est venue l’envie d’en représenter dans vos œuvres ?
Ma série de Pin-Up a, à l’origine, été créée en collaboration avec un projet théâtral et j’ai ensuite continué seule. J’aime ce jeu entre le divertissement et les allusions érotiques. J’ai essayé de garder les couleurs aussi intenses que possible, mais sans tomber dans le kitsch.
Pouvez-vous nous révéler vos prochains projets ?
J’aimerais approfondir le portrait du corps entier et mettre davantage l’accent sur la personnalité ou la situation du modèle, par le biais de vêtements ou d’autres accessoires. Un portrait du corps entier en grandeur nature serait particulièrement excitant mais cela prend aussi beaucoup de temps. Nous verrons bien.
Plus d’informations sur le site internet de Cornelia Wi.
Propos recueillis par Camilla Ruggaber
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